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SOUNDTRACK 

ANALYSIS

PASSENGERS

SCORE

PAR QUENTIN BILLARD

PASSENGERS

OCCLT4-SONY - 88985359512

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Acclamé pour son « Imitation Game » qui remporta l’Oscar du meilleur réalisateur 2014, le réalisateur norvégien Morten Tyldum signe son deuxième long-métrage hollywoodien avec « Passengers » en 2016. A l’origine du film, il y a un script conçu depuis 2007 mais qui n’avait encore jamais pu être porté à l’écran. Conçu initialement pour Brian Kirk avec Keanu Reeves et Reese Witherspoone dans les rôles principaux, le film passera de mains en mains avant d’atterrir chez Sony Pictures dès 2014, Morten Tyldum devenant alors le cinéaste favori du studio pour réaliser le film. L’histoire de « Passengers » se déroule entièrement à l’intérieur du Starship Avalon, un gigantesque vaisseau spatial appartenant à la compagnie Homestead, et qui se dirige vers la planète Homestead II. Le vaisseau contient 5000 passagers et 258 membres d’équipage plongés dans des capsules d’hibernation au cours d’un voyage qui durera 120 ans. Objectif du périple : quitter la Terre devenue surpeuplée pour fonder de nouvelles colonies sur une nouvelle planète. Mais l’une des capsules d’hibernation connaît un important dysfonctionnement, réveillant par la même occasion son occupant, Jim Preston (Chris Pratt), 90 ans trop tôt. Jim réalise alors qu’il est le seul passager éveillé dans l’Avalon et tente de comprendre ce qui lui est arrivé.

 

Essayant de prévenir la Terre, Jim s’aperçoit catastrophé que son message n’arrivera pas avant 55 ans. Condamné à devoir vivre et mourir sur l’Avalon, Jim tente de réactiver sa capsule par tous les moyens, avant de sombrer dans l’alcool et la dépression. Pour occuper ses journées, Jim vient parler à Arthur (Martin Sheen), un androïde-barman qui tente de lui donner quelques bons conseils afin de profiter du luxe de l’immense vaisseau spatial. Un an plus tard, rongé par l’ennui et la solitude, Jim découvre la capsule d’une belle jeune femme, Aurora Lane (Jennifer Lawrence), une journaliste et écrivain dont il tombe éperdument amoureux. Dès lors, une idée terrifiante et immorale naît dans son esprit : réveiller Aurora pour ne plus être seul. Conscient de tout ce que cela impliquerait (notamment pour la jeune femme, qui serait condamnée comme lui à errer sur le vaisseau jusqu’à sa mort), Jim finit par céder à la tentation et sabote la capsule d’Aurora. La jeune femme se réveille alors, paniquée, et se résigne à sa destinée lorsque Jim lui apprend qu’il n’y a plus rien à faire. L’homme et la femme décident alors de vivre leur vie à bord de l’Avalon et commencent à tomber amoureux l’un de l’autre. Mais cette idylle improbable et forcée est brisée par une terrible révélation, et c’est ainsi qu’Aurora va découvrir la sombre vérité au sujet de son réveil à bord de l’Avalon. Choquée et profondément bouleversée, la jeune femme s’enfuit et nourrit une haine farouche pour Jim Preston, qu’elle envisage même de tuer. C’est alors qu’un troisième passager est réveillé à son tour, le chef de quart Gus Mancuso (Laurence Fishburne). Alors que le poste de commandement et la salle des machines sont enfin accessibles, Jim, Aurora et le commandant Mancuso découvrent que tous les systèmes de l’Avalon sont en train de tomber en panne, et que le vaisseau court à sa perte.

Avec un script intelligent signé Jon Spaihts, « Passengers » s’avère être l’une des bonnes surprises cinématographiques de l’année 2016. Le film doit beaucoup au duo Chris Pratt et Jennifer Lawrence, plongés dans une Love Story éminemment romantique et improbable, sans oublier l’intervention tardive de Lawrence Fishburne qui vient relancer l’intérêt du film après deux actes assez longuets. L’atout du film est de proposer un monde futuriste clos à l’intérieur d’un gigantesque vaisseau spatial, où les effets numériques 3D sont pour une fois au service de l’histoire et non l’inverse. Morten Tyldum est suffisamment habile pour détourner les limites habituelles des blockbusters hollywoodiens modernes en se concentrant sur ses personnages et leurs émotions. C’est ainsi que l’on assiste à la naissance d’une idylle entre les deux stars du film, « Passengers » passant alors du film de science-fiction à la « Gravity » au drame romantique façon « Titanic », où deux êtres faits l’un pour l’autre se retrouvent condamnés à bord d’un navire en perdition. Le parallèle avec « Titanic » devient par ailleurs plus flagrant lors du dernier acte du film avec quelques similitudes scénaristiques qui rappellent le chef-d’œuvre de James Cameron. Quand à l’intervention de Lawrence Fishburne, elle rappelle son rôle dans un autre film de vaisseau spatial, « Event Horizon », qui s’avérait beaucoup plus sombre et gore que le film de Morten Tyldum. « Passengers » prend donc des allures de voyage initiatique et métaphysique plongé dans ses références – on pense à « Gravity » pour l’esthétique spatiale moderne, ainsi qu’au « 2001 » de Kubrick – avec une histoire extrêmement romantique poussée jusque dans ses ultimes retranchements par cette question improbable : peut-on forcer quelqu’un à vivre avec nous pour tout le reste de la vie ? Une question complexe, impossible, auquel le film tente de répondre (maladroitement, peut-être ?), avec plus ou moins de panache et un rythme inégal (le premier acte du film est bourré de longueurs). Mention spéciale à Martin Sheen, excellent dans le rôle d’un androïde expert en conseils existentiels, et qui rappelle curieusement le barman du « Shining » de Kubrick. Avec de très belles idées visuelles (la scène de la ballade dans l’espace, la piscine aux horizons infinies) et un scénario intelligent, « Passengers » tient ses promesses et s’avère être un film intéressant et émouvant, bien plus consistant que la plupart des blockbusters hollywoodiens produits à l’heure actuelle.

La musique de « Passengers » a été confiée à Thomas Newman, qui saisit l’occasion de retourner dans un univers spatial et futuriste à la manière de « WALL-E » avec beaucoup plus de rigueur, de sérieux et d’émotion. Enregistrée avec un grand orchestre symphonique et l’équipe de musiciens habituels de Thomas Newman, le score de « Passengers » est absolument typique de l’univers musical habituel du musicien : ne vous attendez pas ici à la moindre prise de risque de la part du compositeur, qui navigue ici en terrain conquis en reprenant ses formules musicales habituelles. Le score est un solide mélange d’orchestre et de synthétiseurs évoquant l’univers futuriste du film de Morten Tyldum. Le ton est clairement donné avec « The Starship Avalon (Main Title) », dont les 3 notes de synthétiseur répétées inlassablement tout au long de l’ouverture du film nous plongent d’emblée dans une atmosphère planante et étrange avec des sonorités aiguës en écho, des nappes sonores tendance new age et quelques cordes plus mystérieuses. Enigmatique, l’ouverture du « Main Title » évoque le monde froid de l’espace et l’immensité du Starship Avalon que l’on aperçoit au début du film. Dès « Hibernation Pod 1625 », Newman renoue avec son inventivité habituelle, mélangeant piano, claviers, synthétiseur et rythmes modernes comme il sait si bien le faire habituellement, avec son minimalisme si personnel et aisément reconnaissable. « Command Ring » utilise quelques effets de flûte étranges sur fond de rythmes électroniques nerveux, alors que Jim Preston tente d’ouvrir en vain la cabine du commandant. Idem pour « Rate 2 Mechanic » et son mélange de cordes en trémolos et de rythmes synthétiques/mécaniques nerveux, incluant les effets sonores de la flûte, toujours interprétée par le musicien habituel de Thomas Newman, Steve Tavaglione – on retrouve aussi l’incontournable George Doering aux guitares - « Awake for 7 Days », « Precious Metals » et le sombre « Crystalline » évoquent le quotidien et le temps qui passe pour Jim, qui se trouve être le seul passager éveillé à l’intérieur de l’immense Starship Avalon. On notera ici l’apport du piano, des cordes, des éléments électroniques modernes ou des guitares rythmiques dans un « Precious Metals » beaucoup plus dynamique et énergique, comme dans « Robot Questions ».

« Aurora » introduit une nuance supplémentaire dans la musique avec une mélodie de piano plus intime et apaisée, alors que Jim remarque Aurora Lane dans sa capsule d’hibernation et se sent de plus en plus attiré par la belle jeune femme. Cette idée trouve un écho favorable dans « The Sleeping Girl », évoquant les appréhensions et les doutes existentiels de Jim : a-t-il moralement le droit de réveiller Aurora pour ne plus se sentir seul, en sachant ce que cela sous-entend pour la jeune femme ? On notera ici la manière dont Thomas Newman assombrit la scène avec l’apport de sonorités électroniques plus inventives et d’une voix féminine mystérieuse, incluant un crescendo orchestral de cuivres/cordes plus dramatique et intense. Dans « Build A House and Live In It », Newman évoque ensuite le quotidien de Jim et Aurora à bord du vaisseau, sur un ton beaucoup plus apaisé, introduisant ici le Love Theme pour les deux individus. On retrouve ici le style intimiste habituel du compositeur, à l’aide d’une très belle pièce pour cordes, hautbois, harpe et synthétiseurs. L’écriture plus poétique du hautbois et des cordes nous renvoie au lyrisme et au romantisme minimaliste habituel du compositeur – on pense par exemple à la musique du film « Meet Joe Black » (1998) ou certains passages de « Road to Perdition » (2002) – « Spacewalk » accompagne la très belle séquence où Jim emmène Aurora faire un tour dans l’espace. Thomas Newman développe ici son très beau thème romantique dans un arrangement saisissant pour piano et cordes de toute beauté, agrémenté de synthétiseurs new age planant évoquant la beauté et l’immensité spatiale. L’envolée des cordes à 2:15 est l’un des moments forts de la partition de « Passengers », lors du ballet spatial et romantique de Jim et Aurora, un grand moment d’émotion très caractéristique du style musical si personnel de Thomas Newman. De la même façon, on devine une chaleur réconfortante et touchante dans « Passengers », qui emploie habilement les solistes avec les synthétiseurs dans une esthétique toujours aussi minimaliste et inventive – et ce même si l’on a déjà entendu cela des centaine de fois auparavant chez le compositeur ! -

Dans « 50% of Light Speed », on retrouve le motif mystérieux du Starship Avalon qui ouvrait le film, alors que Jim, Aurora et le commandant Mancuso découvrent que le vaisseau dysfonctionne gravement et pourrait tomber en panne sous peu s’ils ne font rien pour l’en empêcher. Newman instaure ici un sentiment de panique avec une rythmique plus pressée traduisant un sentiment d’urgence et de tension. Dans « Cascade Failure », Newman utilise davantage l’orchestre et les percussions pour la deuxième partie du film, évoquant le combat des héros pour empêcher le vaisseau de tomber en panne. Idem pour « Zero-Gravity » qui s’oriente vers un style action plus hollywoodien, rappelant les récents travaux de Thomas Newman sur « Skyfall » (2012) et « Spectre » (2015). Dans « I Tried Not To...», Newman brise l’idylle des deux personnages lors des terribles révélations au sujet des agissements de Jim. La musique devient ici plus sombre, plus chaotique et menaçante, reflétant la haine d’Aurora pour Jim, qu’elle condamne pour son acte purement égoïste et irréfléchi. « Looking for Wrong » fait monter davantage la tension avec ses pulsations synthétiques menaçantes, ses cordes scandées de façon plus agressive et ses cuivres massifs. La séquence du réacteur en surchauffe permet à Newman de nous offrir un autre morceau d’action déchaîné dans « Untethered », où le compositeur se laisse malheureusement aller à quelques crescendo anarchiques maladroits et peu intéressants. Plus intéressant, « You Brought Me Back » évoque la fin de cette séquence finale spectaculaire débouchant sur une coda romantique touchante alors qu’Aurora ramène Jim à bord et lui sauve la vie. Le Love Theme est ensuite repris dans le magnifique « Starlit », suivi du diptyque « Accidental Happiness » et « Sugarcoat the Galaxy (End Title) », plus énergiques et optimistes, avec leurs rythmes électro modernes très réussis.

La partition de Thomas Newman pour « Passengers » va donc là où on l’attend et ne surprend guère à la première écoute. Le compositeur reste fidèle à lui-même et réunit son équipe de musiciens habituels (George Doering, Steve Tavaglione, Bill Bernstein, etc.) pour un résultat impeccable à l’écran, tour à tour minimaliste, romantique ou nerveux et parfois même sombre et brutal, mais n’ayant pas peur de l’émotion ou des moments plus sentimentaux et poétiques. Mais malgré toute l’inventivité de l’approche du compositeur sur « Passengers », force est de constater qu’on finit par se lasser à force d’entendre constamment les mêmes formules musicales répétées constamment d’un film à un autre depuis bientôt 30 ans. La musique de Thomas Newman semble ne pas avoir évoluée d’un poil depuis ses débuts dans les années 80 et l’on serait quasiment en droit d’attendre autre chose sur un film de cette envergure en 2016. Seulement voilà, le compositeur est régulièrement engagé par les studios pour refaire ce qu’il a déjà fait auparavant et ne parvient plus à se renouveler – le fait qu’il travaille exactement avec la même équipe depuis trois décennies est assez révélateur ! –

 

Du coup, l’écoute de « Passengers » s’avère agréable et dynamique, mais dénuée de la moindre once de surprise. On y retrouve les mêmes formules rythmiques, la même écriture romantique des cordes, la même utilisation minimaliste des instruments solistes et de l’électronique, comme on a l’a déjà entendu maintes fois auparavant chez le compositeur.

Evidemment, les mordus de Thomas Newman apprécieront à coup sûr la partition de « Passengers », mais ceux qui s’attendaient à un soupçon d’originalité et de prise de risque de la part du compositeur seront ici fortement déçus !

Malgré cela, on ne peut s’empêcher de ressentir un petit pincement au coeur pour les passages romantiques du score, qui sont de toute beauté dans le film comme sur l’album, et parviennent à nous rappeler pourquoi Thomas Newman est bien une personnalité musicale singulière du cinéma américain, au style aisément reconnaissable.

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Analyse réalisée par Quentin Billard (Goldenscore)

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