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SOUNDTRACK
ANALYSIS
THE GREEN
MILES
PAR QUENTIN BILLARD
La ligne verte
Warner Bros. 9362-47584-2
COLUMBIA PICTURES
Adapté du roman homonyme de Stephen King, ‘The Green Mile’ (La ligne Verte) raconte l’histoire de Paul Edgecomb, un pensionnaire centenaire d’une maison de retraite, hanté par des souvenirs douloureux. En 1935, Paul (Tom Hanks) était gardien-chef du pénitencier de Cold Mountain. Il était chargé de veiller au bon déroulement des exécutions capitales en s’efforçant d’ajouter un peu d’humanité aux derniers instants des condamnés à mort. Parmi les pensionnaires de ‘la ligne verte’ (le nom donné à ce couloir de la mort) se trouve John Coffey (Michael Clarke Duncan), un immense colosse noir accusé du viol et du meurtre de deux fillettes.
ntrigué par ce personnage timide et candide, Paul ne va pas tarder à comprendre que Coffey possède des dons magiques : le pouvoir de guérir miraculeusement les blessures, les maladies, et même de redonner la vie à un être qui vient tout juste de décéder. Edgecomb et ses collègues, fascinés par les miracles de John Coffey, s’interrogent alors : comment est-ce possible de Dieu ait pu mettre de tels pouvoirs dans les mains d’un homme accusé d’avoir commis de telles atrocités ? Paul enquête donc de son côté et va essayer d’en savoir un peu plus. Hélas, il doit constamment rappeler à l’ordre l’un de ses collègues, le jeune Percy Wetmore (Doug Hutchison), un arriviste irascible et lâche qui ne pense qu’à faire du mal et ne manifeste aucune humanité envers les prisonniers.
‘The Green Mile’ est un drame humaniste poignant signé Frank Darabont, à qui l’on doit déjà une précédente adaptation brillante d’un roman de Stephen King : ‘The Shawshank Redemption’ (Les évadés). Dans ‘The Green Mile’, Darabont explore à nouveau un univers carcéral américain et aborde cette fois-ci le thème sensible des exécutions capitales et du pouvoir de l’esprit humain, capable de triompher de toutes les épreuves. Certes, le film a été très critiqué pour sa longueur (un peu plus de 3 heures) et son idéologie soi-disant ambiguë – le fait qu’à aucun moment Darabont ne prend position par rapport à la peine capitale semble en avoir gêné plus d’un. En réalité, le propos du réalisateur n’est pas là (libre au spectateur de se forger sa propre opinion sur le sujet), il cherche avant tout à nous raconter une histoire humaine bouleversante, celle d’un homme aux pouvoirs christiques, capable d’accomplir des miracles mais accusé à tort d’un crime qu’il n’a pas commis. Hélas, la plupart des critiques ont extrapolés, préférant cracher sur les défauts du film de Frank Darabont (la niaiserie de certaines scènes, son côté parfois très lacrymal, sa longueur) plutôt que d’apprécier l’histoire humaine sur le fond. Il est vrai que le ton du film paraît un peu trop adouci par rapport à la réalité du monde carcéral. Par exemple, sur les cinq mâtons, quatre sont très gentils et un très méchant, d’où un certain manque de réalisme dans l’illustration des personnages du film.
Aurait-on déjà oublié que le cinéma, comme toute forme d’art, n’a jamais eu vocation à être un pur décalque de la réalité, mais permet au contraire aux hommes de s’échapper dans d’autres mondes imaginaires? Partant de ce principe, comment peut-on en vouloir à Frank Darabont d’avoir autant édulcoré le monde carcéral américain dans son film? La séquence où les gardiens poursuivent la petite souris dans le couloir prête évidemment à sourire, mais là aussi, il faut surtout y voir une volonté de la part du réalisateur de dédramatiser le monde carcéral et de montrer que même les gardiens peuvent apporter un peu d’humanité et de légèreté dans un endroit qui sent déjà tellement la mort. En ce sens, ‘The Green Mile’ est une parfaite réussite, servi par des acteurs talentueux (Tom Hanks, David Morse, James Cromwell, Michael Clarke Duncan), une fable humaniste poignante qui ne laisse pas indifférent.
La musique de ‘The Green Mile’ a été confiée à Thomas Newman, qui retrouve ainsi Frank Darabont cinq ans après sa très belle partition pour ‘The Shawshank Redemption’. La musique de ‘The Green Mile’ s’inscrit d’ailleurs parfaitement dans la continuité des partitions intimistes/dramatiques du compositeur. On y retrouve ce goût similaire pour des ambiances minimalistes, une instrumentation très soignée à base de solistes, et bien sur, un côté atmosphérique typique du style de Thomas Newman. Le morceau ‘Monstrous Big’ est par exemple assez révélateur du style de Newman, avec des guitares country qui évoquent le lieu dans lequel se déroule l’histoire (le sud de l'Amérique des années 30), un piano, des cordes mystérieuses, un marimba, des pizzicati et quelques synthétiseurs ambiants. ‘The Two Dead Girls’ crée à son tour un sentiment de trouble et de malaise pour la scène où l’on retrouve les deux petites filles assassinées dans les bras de John Coffey. Les nappes de synthétiseur créent ici une ambiance sombre et inquiétante, avec quelques notes de piano qui semblent mystérieusement flotter dans l’air – illustrant avec une retenue intense la tragédie de cette scène.
Thomas Newman s’amuse ensuite à varier les ambiances avec une certaine habileté. Si le début de sa partition paraît plutôt sombre et inquiétante, ‘The Mouse on the Mile’ apporte une légèreté soudaine assez étonnante, mélangeant tout un jeu de pizzicati, de vibraphone et de marimba basse pour la scène de la souris. ‘Foolishment’ apporte quand à lui une certaine émotion avec un magnifique thème de flûtes/cordes associé à Coffey, pour l’un des premiers morceaux émouvants de la partition de ‘The Green Mile’, illustrant la partie plus humaine et dramatique du film de Frank Darabont. Dans ‘Billy-Be-Frigged’, Newman utilise les guitares/banjos country et les percussions typiquement ‘americana’ d’esprit dans un style qui rappelle beaucoup sa partition pour ‘American Buffalo’ (1996). ‘Coffey’s Hands’ change encore d’ambiance pour instaurer ici une atmosphère plus sombre et mystérieuse durant la scène où Coffey guérit mystérieusement l’infection urinaire de Paul. La tension de cette scène est relayée ici par une nappe de synthétiseur sombre et tendue, avec des cordes dissonantes et un piano lointain.
La partition de ‘The Green Mile’ alterne ainsi constamment diverses ambiances tout au long du film, la musique n’écrasant jamais les images du long-métrage de Darabont. Thomas Newman conserve ici une certaine retenue même si quelques morceaux paraissent plus massifs que d’autre. Des morceaux country comme ‘Limp Noodle’ ou le très rythmé ‘Wild Bill’ (scène brutale de l’arrivée de Wild Bill Wharton en prison) est typique du style ‘americana’ de Newman, tandis que ‘Condemned Man’ et ‘Scared of the Dark’ installent une tension à l’écran liée aux mystères de John Coffey, mystères suggérés dans ‘Scared of the Dark’ par une utilisation remarquable de quelques éléments synthétiques, des cordes et d’un piano qui répète constamment la même note. ‘Circus Mouse’ est assez représentatif par exemple du talent de Thomas Newman à manipuler des éléments synthétiques de façon très inventive, reprenant ici les sonorités de ‘The Mouse on the Mile’. La séquence de son exécution tragique permet alors à Thomas Newman de nous offrir l’un des rares déchaînements orchestraux massifs de la partition de ‘The Green Mile’, illustrant l’horreur de l’exécution à l’aide de percussions agressives/martiales, de cuivres menaçants et de cordes déchaînées. A noter que Thomas Newman a rarement l’habitude d’écrire ce style de gros déchaînements orchestraux ‘action’, lui qui préfère habituellement les ambiances plus retenues et intimes.
Puis, progressivement, c’est l’émotion qui prend petit à petit le dessus, avec des morceaux plus émouvants comme les très beaux ‘Cigar Box’ lorsqu’Eduard Delacroix (Michael Jeter), sur le point d’être exécuté, passe un peu de temps avec la souris qu’il a adoptée en prison. Certains morceaux plus inquiétants viennent assombrir la musique comme ‘Red Over Green’ où l’on retrouve le thème des pouvoirs magiques de Coffey avec des harmonies de cordes ambiguës et des mélodies lentes et douces comme Thomas Newman les affectionne tant. ‘Night Journey’ nous permet quand à lui de découvrir un thème de flûte sur un rythme de sicilienne léger, durant la scène où Paul et ses collègues emmènent Coffey chez Hal Moores (James Cromwell) pour l’aider à guérir sa femme atteinte d’un cancer. ‘Night Journey’ est typique de ce genre de morceau intime et émouvant comme Thomas Newman sait si bien les écrire. ‘Coffey On The Mile’ reprend le thème émouvant de John Coffey avec sa mélodie de flûtes/cordes/piano poignante reprise de ‘Foolishment’ pour l’une des scènes finales bouleversantes où Coffey révèle toute sa bonté d’âme à Paul et ses collègues. ‘Now Long Gone’ nous amène au final mélancolique et amer du film, avec des harmonies de cordes tourmentées typique du compositeur et un ‘The Green Mile’ poignant, idéal pour conclure l’histoire sur une ultime touche d’émotion.
Les fans de Thomas Newman devraient être pleinement séduit par sa nouvelle partition pour ‘The Green Mile’ qui, à défaut d’innover d’une quelconque façon, confirme bel et bien le fait que Newman est l’un des meilleurs compositeurs officiant actuellement à Hollywood, décidément très à l’aise dans ce type de partition intime/dramatique où la retenue et l’émotion prime par dessus tout, avec la sensibilité habituelle du compositeur et une certaine inventivité dans l’utilisation de certains instruments. ‘The Green Mile’ se rapproche ainsi beaucoup de la musique composée pour ‘The Shawshank Redemption’. Ce n’est donc pas un hasard si l’on y retrouve le même genre de mélodie vaporeuse, de synthétiseurs atmosphériques et de cordes douces et retenues. Thomas Newman crée une atmosphère à la fois sombre, légère et émouvante dans le film de Frank Darabont, illustrant chaque facette de l’histoire avec une maestria rare. Voilà en tout cas une BO à recommander chaleureusement à tous les fans de ‘The Shawshank Redemption’ !
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Analyse réalisée par Quentin Billard (Goldenscore)
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