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SOUNDTRACK
ANALYSIS
FINDING
NEMO
PAR QUENTIN BILLARD
FINDING NEMO
Walt Disney Records 60078-7
Nouvelle petite réussite des studios Pixar, 'Finding Nemo' (Le monde de Nemo) a explosé le box-office U.S. de l'été 2003 et confirme le succès éclatant des productions Pixar, toujours au sommet de leur forme. 'Finding Nemo' nous propose une exploration du monde marin à travers l'histoire d'un poisson-clown, Marin, parti à la recherche de son fils unique Nemo, qui a été enlevé par des plongeurs humains et qui est retenu prisonnier dans un aquarium d'un dentiste de Sidney. Le film nous présente à travers cette grande aventure sous-marine une galerie de personnages hauts en couleur: après Marin le peureux et Nemo le petit poisson intrépide, on rencontre l'amusante Dory, un poisson-chirurgien bleu à la mémoire défaillante qui accompagne Marin dans ses aventures. Les deux personnages vont aussi croiser la route du requin Bruce et de Crush, une tortue 'à la cool' (doublé par la voix de Samy Naceri en V.F.), tandis que, de son côté, Nemo va faire la connaissance de ses nouveaux compagnons d'aquarium, Gill (l'idole maure balafré à la tête de la bande de l'aquarium), Bloat, Bubbles, Peach (l'étoile de mer) et les autres, sans oublier Nigel, le pélican brun qui aidera Dory et Marin à rejoindre Sidney.
Le film se présente donc comme une vaste aventure parsemée de grands moments de bravoure (la traversée du banc de méduse, la tentative d'évasion de l'aquarium, le voyage dans la gueule de la baleine, la traversée dans le bec du pélican, la traversée du courant australien sur le dos des tortues, la poursuite avec le requin, etc.), une grande aventure à travers laquelle Dory et Marin vont affronter mille dangers pour retrouve le petit Nemo. Le scénario peut paraître assez faiblard, c'est la qualité extraordinaire de l'animation qui fait de 'Finding Nemo' une véritable réussite en son genre. On aura rarement des décors d'une telle beauté, une animation d'une telle fluidité, le tout entièrement réalisé sur ordinateur.
Produit par Disney, le film n'est aussi pas exempt de messages destinés aux adultes, puisqu'à travers l'angoisse du timide Marin de perdre son fils Nemo, qu'il a toujours surprotégé de tout depuis qu'un poisson a dévoré tous ses oeufs et sa compagne, on découvre une véritable parabole sur le monde des adultes et de leur tendance incessante à vouloir surprotéger les gamins de tout ce qui constitue l'environnement, un phénomène de société réellement d'actualité même dans nos pays européens et plus particulièrement en France (combien de fois avons-nous entendu des parents empêcher des enfants de sortir dehors par peur qu'ils attrapent des microbes ou des maladies en tout genre?). Et pourtant, le personnage de Nemo est comme tous les enfants normaux de son âge: il ne rêve que d'aventure, de découverte et d'évasion, il cherche à s'évader du cocon familial dans lequel son père a tenté tant bien que mal de l'enfermer par peur de le perdre à son tour. Du coup, c'est l'adulte qui se montre moins adulte que l'enfant, lui qui réclame pourtant un modèle de maîtrise de soi et d'inspiration de la part de son père. On comprend dès lors que l'aventure est double: c'est un double parcours initiatique pour Marin et son fils Nemo: le premier doit surmonter toutes ces épreuves pour retrouver son fils et vaincre sa peur, le second doit prouver qu'il sait se débrouiller sans l'aide de son père et cherche une solution pour s'évader de l'aquarium avec ses nouveaux amis. Pour le reste, le film est un astucieux cocktail de fantaisie, d'aventure et d'humour (un brin cynique par moment), et de l'humour, 'Finding Nemo' n'en manque pas.
On notera par exemple les quelques clins d'oeil à Hitchcock comme pour la scène de l'arrivée de Darla, la fille du dentiste qui apparaît sur fond du célèbre et terrifiant 'The Murder' du 'Psycho' de Bernard Herrmann, ou lorsque les deux réalisateurs Andrew Stanton et Lee Unkrich s'amuse à glisser une allusion évidente au 'The Birds' d'Hitchcock pour la scène des mouettes sur le port, sans oublier un très bref clin d'oeil ironique à 'The Shining' de Kubrick dans la scène où le requin glisse sa tête par le trou d'une porte et rétorque un 'brucy!!!' malicieux à souhait. Les deux réalisateurs s'amusent aussi à glisser un petit clin d'oeil à deux de leurs précédentes oeuvres, 'Toy Story' (on voit un poster de Buzz l'éclair dans la salle du dentiste) et à 'Monsters, Inc.' (on voit le personnage de Mike Wazowski apparaître durant le générique de fin), et si vous êtes suffisamment attentif, vous pourrez certainement retrouver d'autres clins-d'oeil ironiques (dont une réplique amusante empruntée à 'Monthy Python & The Holy Grail'). Au final, 'Finding Nemo' apparaît comme une véritable petite réussite en son genre, un nouvel exploit technique de la part des artisans de chez Pixar qui, plus que jamais, sont décidément à la tête du renouveau du film d'animation américain de cette nouvelle décennie!
Après avoir engagé à plusieurs reprises Randy Newman, les producteurs de chez Disney ont décidé de faire appel à un autre membre de la famille, l'inattendu Thomas Newman (le cousin de Randy Newman), qui signe là sa toute première collaboration sur un film d'animation. La participation de Newman à 'Finding Nemo' est donc tout simplement inédite et, alors qu'on était en droit à s'attendre à quelque chose d'original et de particulier de la part du compositeur, on doit finalement se contenter d'un simple score orchestral lambda et assez ordinaire, ce qui est bien dommage, surtout lorsqu'on connaît le goût du compositeur pour les instrumentations insolites et les musiques un brin fantaisistes. Ainsi, c'est sans surprise que l'on découvre une introduction orchestrale paisible dans 'Wow', décrivant la beauté des fonds marins sur un ton encore calme avec quelques cordes apaisées, une flûte légère et un piano méditatif. Voilà en tout cas une introduction typique de Thomas Newman mais peu surprenante.
En revanche, 'Barracuda' s'avère être déjà plus surprenant, à cause du côté très sombre qui se dégage de cette pièce décrivant la scène où le barracuda dévore les oeufs et la compagne de Marin. Le bref 'Barracuda' nous dévoile une facette méconnue du compositeur, celle des grosses musiques d'action/suspense typiquement hollywoodiennes, et qui paraît parfois un peu trop massive sur les images du film - c'est finalement ce qui fait toute la qualité de ces passages inattendus pour deux raisons, d'abord parce que Newman n'a jamais vraiment écrit ce genre de musiques d'action pour un film (il a toujours privilégié les drames plus personnels et les comédies intimistes), ensuite parce qu'on ne s'attendait pas à une musique aussi brutale et massive pour les scènes d'action de 'Finding Nemo', ce qui est finalement une bonne chose. Dans un genre encore plus excitant, 'Friends not Food' (poursuite avec le requin Bruce) ou la poursuite avec le poisson lanterne des abîmes (honteusement absente de l'album, et ce malgré la durée très conséquente de l'enregistrement - près de 60 minutes) démontrent un talent méconnu du compositeur, celui de la maîtrise de gros morceaux d'action orchestraux d'une vivacité qui n'a rien à envier à la musique de ses proches Randy Newman ou David Newman.
Avec 'Nemo Egg', Newman ouvre le générique de début au son d'une ambiance plus paisible avec un piano méditatif, quelques touches de synthés discrets et un thème confié à des cordes à la 'Meeting Joe Black'. Le thème principal évoque l'amour de Marin pour son fils Nemo et son envie de le protéger de tout par amour pour le seul fils qui lui reste. Le côté méditatif du morceau correspond à merveille à la douceur et à la beauté des décors de la grande barrière de corail. 'First Day' évoque à son tour le côté vivant et enthousiaste de Nemo le jour de son premier départ pour l'école. Newman nous donne à entendre des cordes énergiques et sautillantes avec vents et quelques petits instruments solistes un brin fantaisistes et typiques du compositeur (même si ces éléments fantaisistes sont cruellement sous-développés tout au long du film). On notera l'utilisation très 'Newmanienne' de la harpe au début de 'Field Trip' lors de l'arrivée de Nemo à sa nouvelle école. Ce climat de bonne humeur et de légèreté ne tarde pas à être rompue avec le sombre 'The Divers', sans aucun doute l'un des morceaux les plus sombres de tout le score de 'Finding Nemo'. 'The Divers' se distingue ainsi de par son inattendu climat atonal totalement maîtrisé dans lequel le compositeur met en avant des cordes massives et dissonantes et des cuivres agressifs lors de la scène où les plongeurs capturent Nemo. Une fois encore, Newman surprend en apportant un éclairage sombre et massif inattendu pour cette scène, auquel le compositeur ajoute des sonorités électroniques étranges et quasi malsaines, digne d'une musique de film d'horreur/thriller (la fin du morceau fait même penser aux scores thrillers d'Elia Cmiral). Qui se serait attendu à une musique de ce style de la part de Thomas Newman, surtout pour un film d'animation de ce genre?
Avec 'Lost', Newman évoque de manière toujours aussi sombre la déconvenue de Marin qui se retrouve perdu sans son fils. C'est grâce à la rencontre avec Dory suggérée par le bref 'Short-Term Dory' que Marin pourra envisager de retrouver son fils avec l'aide de Dory. On notera ici l'instrumentation vivante typique du compositeur, et qui évoque au passage toute l'énergie et la malice du personnage de Dory. Passé la poursuite avec Bruce dans l'agité 'Friends not food' (que l'on reconnaît grâce à ses excellentes percussions électroniques assez inventives et ses cordes survitaminées), 'Fish-o-rama' permet au compositeur de changer soudainement de style pour la scène où Nemo rencontre les autres poissons de l'aquarium. On retrouve ici un Newman bien plus original avec un piano, une clarinette et d'autres instruments en tout genre dans un style assez indéfinissable et relativement bizarre, ce qui contribue à donner une certaine personnalité à ces personnages. 'Gill' nous permet même à l'occasion de retrouver le style sombre du début avec l'appréhension de Nemo lors de sa rencontre avec l'impressionnant Gill, la dernière partie du morceau étant finalement plus légère avec cette petite rythmique et ces pizzicati typiques du compositeur à la 'The Green Mile'.
Le compositeur, toujours désireux d'apporter un peu de diversité dans sa musique, nous offre un petit clin d'oeil amusant à Lalo Schifrin dans le très rétro et le très sixties 'Foolproof' lors de la scène où les poissons préparent leur plan d'évasion avec l'aide de Nemo (on pense clairement ici à 'Mission: Impossible'). Le problème, c'est que ces morceaux sont souvent très courts et très brefs (la plupart des pièces ne durent que 1 ou 2 minutes) et qu'il est assez difficile de pouvoir les apprécier dans la longueur. Néanmoins, le compositeur se plaît à varier les ambiances en multipliant ces passages d'action animés et inhabituels de la part de Thomas Newman. Pourtant, on retrouve un Newman inventif et plus personnel dans l'entraînant 'Jellyfish Forest' (traversée de la forêt de méduse). 'Filter Attempt' est un nouveau morceau d'action rythmé pour la scène où Nemo tente de traverser le filtre de l'aquarium. Plus paisible, 'Turtle Lope' évoque Crush et ses compagnons sur un ton plutôt insouciant et calme. On ne pourra d'ailleurs pas passer ici à la seconde partie plus rock du morceau avec guitare électrique et percussions métalliques dans l'esprit fantaisiste typique du compositeur, et qui renforce le côté cool des tortues, idée qui se prolonge dans un 'Curl away my son' encore plus typique de Newman et de son côté musique de comédie avec une instrumentation originale et des effets électroniques un peu bizarres.
On ressent alors l'espoir dans 'The Little Clownfish from the Reef' qui, après un début rappelant le trop sous-utilisé thème principal lié à Nemo et Marin, se conclut sur l'action pour souligner la détermination de Nemo à traverser le filtre de l'aquarium. 'Darla Fifth Offramp' nous propose quant à lui une utilisation plus inventive et quasi martiale des percussions dans la scène avec Darla chez le dentiste. Il ne fait aucun doute que l'on retrouve une fois encore ici le Thomas Newman fantaisiste que l'on apprécie tant, même si, une fois encore, ces passages sont souvent trop brefs et pas assez développés tout au long du film. Passé le massif et atonal 'Time To Let Go' (Dory et Marin s'échappent de la gueule de la baleine), 'Sydney Harbour' permet de faire comprendre que les deux compères se rapprochent de leur but en arrivant au port de Sydney, tandis que l'on retrouve un nouveau morceau d'action entraînant dans 'Drill' (poursuite avec les mouettes), morceau apparemment très inspiré de 'Jellyfish Forest', et de fil en anguille, on arrive à l'inévitable conclusion de 'Fronds Like These' qui nous permet de retrouver une dernière fois un thème principal qui aurait certainement gagné à être plus présent et mieux développé.
Vous l'aurez donc compris, 'Finding Nemo' est un score orchestral sympathique et qui recèle quelques surprises, et ce même si l'on aurait pu s'attendre à quelque chose de mieux de la part de Thomas Newman, surtout pour sa première participation à un film d'animation. Certes, on retrouve les quelques touches fantaisistes habituelles du compositeur, avec des instrumentations parfois assez peu ordinaires, mais l'ensemble déçoit un peu par un manque flagrant d'idée thématique, le compositeur se contentant de n'utiliser qu'un simple thème principal pas vraiment mémorable et qui reste assez peu développé tout au long du film.
La plus grande surprise vient donc ici des nombreux morceaux d'action du score qui dévoilent une facette méconnue du compositeur et démontre finalement un certain savoir-faire orchestral devenu évident au fil des années. Reste que, malgré quelques bons points, 'Finding Nemo' n'est pas le nouveau chef-d'oeuvre du compositeur qui, bien que toujours aussi inspiré et fidèle à son style très personnel, manque de retenir ici toute notre attention à cause du caractère finalement très ordinaire de ce score. Newman confirme au moins qu'il a une personnalité musicale toujours aussi forte et peu influencée par les autres compositeurs hollywoodiens souvent plus conventionnels. En conclusion: un score sympathique sans plus!
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Analyse réalisée par Quentin Billard (Goldenscore)
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